Le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le salarié a le caractère d’une faute inexcusable lorsqu’il avait ou aurait dû avoir conscience du danger et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Illustration au cas particulier des risques psychosociaux.
En l’espèce, une salariée met fin à ses jours peu après son licenciement. Le suicide est reconnu en accident du travail et ses ayants droit saisissent la juridiction de sécurité sociale afin de voir reconnaître la faute inexcusable de l’employeur. Ils invoquent notamment le fait que le médecin du travail avait informé par courrier l’employeur que, lors des visites médicales et entretiens infirmiers, il avait constaté le mal-être de plusieurs salariés et pour certains d’entre eux, une altération de leur santé et lui avait rappelé ses responsabilités en matière d’évaluation et de prévention des risques psychosociaux. En outre, dans une lettre adressée à l’employeur quelques mois avant son décès, la salariée avait fait état des difficultés rencontrées, du stress quotidien auquel elle était soumise et de l’arrêt de travail pour maladie qui en était résulté. Ils en déduisent que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel la salariée était soumise et qu’il n’avait pas pris les mesures de prévention nécessaires.
La cour d’appel rejette leur demande, considérant que, s’il est établi que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité à l’égard de la victime, les ayants droit ne démontrent pas qu’il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposée la salariée. Les juges constatent tout d’abord qu’il est indéniable que les pratiques managériales du dirigeant ont créé des conditions de travail très détériorées pour tous les salariés de la société et que la victime, qui était particulièrement investie dans son travail, n’a supporté ni ces conditions détériorées, ni les raisons et conditions de son licenciement. Pour autant, ils relèvent que le médecin du travail, s’il avait alerté l’employeur sur les risques psychosociaux dans l’entreprise, n’avait pas fait part de la situation particulière de la salariée. En outre, ils considèrent que les termes employés dans son courrier par la victime ne permettaient pas de déceler la fragilité psychologique dans laquelle elle se trouvait. Autrement dit, pour les juges d’appel, l’employeur ne pouvait pas avoir conscience du danger concernant cette salariée.
Censure de la Cour de cassation, qui considère que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience des risques psychosociaux encourus par la salariée. L’arrêt est cassé et l’affaire renvoyée devant une autre cour d’appel.
► Le ministère du travail a rappelé récemment aux employeurs leur obligation en matière d’évaluation et de prévention des risques psychosociaux, dans le cadre de la prévention du suicide au travail.
Dans une précédente décision, la Cour de cassation a jugé que le suicide du salarié était dû à la faute inexcusable de l’employeur dès lors que celui-ci n’avait pris les mesures nécessaires pour mettre fin aux difficultés rencontrées par le salarié pour assurer ses fonctions : absence de réelle formation, décision tardive d’une nouvelle affectation, défaut de contrôle des horaires de travail et du respect du droit au repos quotidien (arrêt du 19 septembre 2013).
En revanche n’ont pas été considérés comme dû à la faute inexcusable de l’employeur :
- le suicide du salarié en l’absence de tout signe d’alerte sur une dégradation de ses conditions de travail ou une souffrance au travail, la réalité d’une surcharge de travail n’étant pas démontrée et les auditions menées par les représentants du personnel ne mettant en évidence aucun problème managérial (arrêt du 18 juin 2015) ;
- la tentative de suicide du salarié suite à un entretien avec le directeur des ressources humaines et le directeur technique de la société aux fins de lui remettre une convocation à un entretien préalable de licenciement sans qu’il soit démontré que l’employeur ait eu un comportement humiliant, violent ou vexatoire à l’égard du salarié lors de ces entretiens et que la réaction de l’intéressé, qui ne présentait pas d’antécédents personnel ou familial, n’était pas prévisible du seul fait qu’il s’était montré bouleversé à l’issue de cet entretien (arrêt du 31 mai 2012).

