Seuils d’audit comptable, remplacement des Nep, durabilité, IA : les Assises font le point sur l'actualité des Cac


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« En 2018, on avait soutenu la hausse des seuils. Mais, lorsqu’il y a eu le même débat en 2024, on a dit de ne plus les relever. Et quand on en a reparlé il y a quelques mois, j’ai pris l’engagement que l’on ne porterait plus le fait de bouger les seuils ». Telle est la position qu’Amir Reza-Tofighi, président de la CPME, livre aux commissaires aux comptes présents hier à Bordeaux pour leurs Assises. Quelques minutes plus tard, Philippe Vincent, président de la CNCC, revient sur l’actualité de seuils d’audit comptable, évoquant des désirs de certains de les faire évoluer… tantôt à la baisse tantôt à la hausse.

Il remercie ainsi Florence Peybernès, présidente de la H2A, et Emmanuelle Masson, directrice adjointe des affaires civiles et du sceau, toutes deux présentes dans la salle, pour leur soutien cette année « pour contrecarrer les initiatives d’autres administrations pour relever à nouveau les seuils. Car ces autres administrations continuent à nous voir comme une charge dont il est si facile de proposer la suppression aux entreprises comme si c’était la solution miracle à tous leurs maux alors même que notre pays souffre d’un code du travail devenu obèse ou d’une fiscalité à décourager les plus ardents entrepreneurs », manifeste-t-il.

Tentative avortée de baisser les seuils

Mais il se réjouit aussi d’une autre tendance. « Le travail conjoint que nous menons a commencé à porter ses fruits sur la classe politique — une partie tout au moins. A titre d’exemple, il y a quelques semaines un amendement a été déposé au Sénat dans le cadre de la proposition de loi pour la sécurisation juridique des structures économiques face au risque de blanchiment. Amendement qui proposait de baisser les seuils. Il a été rejeté pour des causes de constitutionnalité mais nous savons que ce sujet se joue désormais dans la tête des décideurs, dans la perception qu’ils ont de notre profession, de son rôle et de son efficacité », analyse le président de la CNCC.

Vers un remplacement des Nep par les Isa…

Autre sujet, celui du projet de remplacer les Nep par les Isa. « Cette réforme est indispensable, avance Florence Peybernès. L’intégralité des autres pays de l’Union européenne a rejoint le système international de normalisation de l’audit qu’on appelle les Isa. Ce n’est en rien une simplification pour les entreprises que la France conserve un système franco français devant la mondialisation de nos échanges y compris dans l’intérêt de nos entreprises qui exportent », argumente-t-elle. 

« Dans le contexte mondialisé nous sommes conscients que cet alignement [des Nep sur les Isa] est nécessaire, approuve Emmanuelle Masson. Nous resterons toutefois vigilants sur deux aspects. Nous veillerons à ce que ce travail ne conduise pas à une inflation démesurée de normes rendant particulièrement complexes voire impossible leur mise en œuvre. Ensuite, nous devons préserver les spécificités qui font la force du modèle français. Je pense notamment à l’exercice conjoint auquel nous sommes attachés et au maintien de votre jugement professionnel si précieux dans vos relations avec vos interlocuteurs », développe-t-elle.

… Soutenu par la CNCC

« Nous pouvons accueillir positivement l’intention de la H2A de mettre en cohérence notre système normatif français, les Nep, avec celui des Isa, les normes internationales, se félicite Philippe Vincent. Concrètement, cette décision viendra mettre fin à une dérive française qui faisait de la norme un outil davantage au service de la sanction plutôt qu’un guide au service de notre mission’, argumente-t-il.

Jugement professionnel irremplaçable

Au-delà des nouvelles normes d’audit susceptibles de s’appliquer à terme, la mission du Cac est impactée par un autre phénomène, celui de l’IA. Jusqu’à quel point ? « A l’Ifiar [un forum réunissant une cinquantaine de régulateurs indépendants nationaux de l’audit dont la H2A], on voit de plus en plus les grands cabinets — mais pas seulement — s’interroger sur la manière dont ils pourraient utiliser ces outils d’intelligence artificielle pour les accompagner dans l’audit des comptes. En tant que régulateurs, on est attentif à ce que ce recours à l’intelligence artificielle ne supplante pas le jugement professionnel des commissaires aux comptes et n’efface pas leur esprit critique », prévient Florence Peybernès. Une analyse partagée par Emmanuelle Massion. « Aucune IA, aussi performante soit-elle, ne remplacera votre appréciation du risque et du contexte », résume-t-elle.

Y compris dans le contrôle des rapports de durabilité. « La transparence extra-financière n’est pas une option. Les acteurs économiques la demandent et l’Union européenne ne fait pas cavalier seul en la matière. En 2030, la législation chinoise inspirée de la CSRD deviendra obligatoire, avance Emmanuelle Masson. Ce que nous recherchons, c’est bien une écologie incitative par la transparence. Et pour cela, le jugement professionnel de l’auditeur est irremplaçable », ajoute la directrice adjointe des affaires civiles et du sceau.

Déréglementation en matière de CSRD

Devant plus de 1000 commissaires aux comptes, Philippe Vincent est revenu sur ce sujet de la CSRD (lire notre article et notre interview). Il soutient que la déréglementation européenne en cours pourrait se retourner contre les entreprises et plus généralement contre l’économie. « Certaines entreprises de la 1ère vague et leurs lobbyistes ont crié avant d’avoir mal pour finir par reconnaître qu’elles ne reviendraient pas en arrière et que la première application de ces normes [les ESRS], même si elle avait été complexe, en avait été bénéfique. L’Union européenne semble oublier que ce nouvel exercice de reporting n’était pas là pour amuser la galerie mais pour répondre aux intérêts vitaux des entreprises européennes, leur capacité à se financer, à s’assurer. Le sujet maintenant se pose pour les PME qui n’entrent pas dans le cadre de la directive, pointe-t-il. A défaut d’un reporting obligatoire et normalisé, elles courent le risque de l’éparpillement des demandes. Sur ce point, tous les utilisateurs de l’information de durabilité, notamment les financeurs, les banques, les fonds de private equity, les assureurs s’accordent : ce que la norme n’imposera pas ils le demanderont quoi qu’il arrive, poursuit-il. Et c’est là que la loi et la norme doivent s’imposer pour protéger les entreprises, préserver les conditions d’une concurrence loyale. Déréguler n’est pas une option », résume-t-il. C’est pourtant la voie choisie par l’Union européenne alors que la CSRD a à peine trois ans.

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Ludovic Arbelet
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Actuel expert-comptable
Les Assises des commissaires aux comptes qui se tiennent à Bordeaux témoignent que le sujet de l'évolution des seuils d'audit comptable, à la baisse ou à la hausse, est d'actualité. Cet évènement montre aussi que le chantier de la relève des Nep par les Isa est lancé, que l'IA ne remplacera pas le Cac et que le dossier du reporting de durabilité continue de faire débat.
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