Le licenciement fondé sur un fait relevant de l'intimité de la vie privée est atteint de nullité


A la une

Dans cette affaire, une salariée, responsable des ressources humaines, est mise à pied à titre conservatoire puis licenciée pour faute grave en avril 2019.

Il lui était reproché, dans la lettre de licenciement, de nombreux manquements dans l’exécution de ses missions, notamment de ne pas avoir procédé à la déclaration préalable à l’embauche d’une salariée, faisant courir ainsi un risque juridique et un risque pénal à la société, le non-paiement des salaires de plusieurs salariés en février et mars 2019, l’absence de paiement des cotisations pour les régimes de mutuelle et de prévoyance en mars 2019, l’insuffisance de versement des cotisations Urssaf en février 2019, la découverte de 68 cartes de badgeage non remises aux salariés, l’absence de remise de tableau de bord en février et mars 2019, le manque de respect à l’égard du directeur du magasin en remettant en cause ses consignes et l’absence de réponse aux demandes du conseil de l’employeur dans le cadre de litiges prud’homaux.

Un licenciement fondé sur des supposées fautes professionnelles…

La salariée saisit la justice pour contester la rupture de son contrat, estimant son licenciement nul. Elle considère que son congédiement est uniquement dû à la découverte de sa liaison – qui durait depuis plusieurs mois – avec le président de la société, par l’épouse de ce dernier, la veille de sa convocation à l’entretien préalable.

L’épouse du président était elle-même directrice générale de ladite société et avait lancé un ultimatum à son mari consistant à licencier immédiatement la salariée.

La cour d’appel estime que les motifs du licenciement ne sont pas fondés, établit bien l’existence d’une atteinte à la vie privée, mais déclare le licenciement sans cause réelle et sérieuse – et non pas nul.

Pour écarter la nullité du licenciement, l’arrêt retient, d’une part, que la lettre de licenciement pour faute grave fait état de divers manquements dans l’exécution du contrat de travail et de griefs relatifs au comportement de la salariée sans faire aucune mention d’un grief en relation avec sa vie privée ou constituant une atteinte au respect de celle-ci et, d’autre part, que la salariée a elle-même diffusé, dans le cadre de la procédure, les SMS échangés entre elle-même et le président de la société, de sorte que si cette atteinte est établie, elle rend simplement le licenciement sans cause réelle et sérieuse et non pas nul.

La salariée se pourvoit en cassation et obtient cette fois-ci gain de cause.

… est nul s’il a en réalité été prononcé pour un motif relevant de l’intimité de la vie privée

La Cour de cassation rappelle en premier lieu certains grands principes en la matière selon lesquels :

  • un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ;
  • le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée et l’employeur ne peut, sans violation de cette liberté fondamentale, fonder un licenciement sur un fait relevant de l’intimité de sa vie privée ;
  • est nul le licenciement prononcé en violation d’une liberté fondamentale.

Elle reproche ensuite à la cour d’appel de ne pas avoir déclaré nul le licenciement de la salariée alors qu’elle avait retenu :

  • qu’aucun des griefs énoncés dans la lettre de licenciement n’était établi ;
  • et que la véritable cause du licenciement était la découverte, le 28 mars 2019, par l’épouse du président de la société, elle-même directrice générale de celle-ci, de la liaison qu’entretenait son mari avec la salariée depuis plusieurs mois et l’ultimatum qu’elle lui avait posé de la licencier immédiatement.

La cour aurait dû en déduire que le licenciement était fondé sur un fait relevant de l’intimité de la vie privée de la salariée, et qu’il était ainsi atteint de nullité.

Rappelons que, selon la doctrine, le terme de vie privée « désigne une véritable liberté publique, devant être réservé à la protection du domicile, de la correspondance et de la vie sentimentale, c’est-à-dire à l’intimité de la vie privée ». Ainsi, tous les aspects de la vie personnelle du salarié ne relèvent pas de l’intimité de la vie privée et ne sauraient s’analyser en une liberté fondamentale. C’est ce qu’a récemment jugé la Cour de cassation dans une affaire où le motif du licenciement « était tiré de la vie personnelle du salarié sans toutefois relever de l’intimité de sa vie privée ». Le licenciement n’était de ce fait pas atteint de nullité en l’absence de la violation d’une liberté fondamentale (arrêt du 25 septembre 2024).

Visuel réduit: 
Visibilite: 
privé
Signature: 
Delphine DE SAINT REMY
Supports de diffusion: 
Une cour d'appel ne peut pas à la fois établir l'existence d'une atteinte à la vie privée et déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Un tel licenciement doit être annulé.
Cacher le visuel principal ?: 
Non
Type de produit: 
Produit d'origine: 
Auteur extérieur: 
Thème d'origine: 
Application immédiate: 
Clone parent: 
886 561



Source de l’actualité