Intelligence artificielle : ce que prévoient les premiers accords d'entreprise


A la une
Type d’accord

L’intelligence artificielle s’impose progressivement comme un objet de négociation sociale. Si certains groupes, tels qu’Orange, Metlife Europe, AXA France ou BPCE, ont choisi de lui consacrer des accords spécifiques, d’autres, à l’image de Schneider Electric France ou Decathlon, l’intègrent dans des textes plus larges sur la gestion des emplois et des parcours professionnels.

Prisma Media, pour sa part, a signé le 27 février 2025 un accord centré sur la création d’une commission facultative au sein du CSE, chargée de suivre les usages de l’IA dans l’entreprise.

Gestion des parcours professionnels

Chez Decathlon, l’accord de gestion prévisionnelle des emplois et des parcours professionnels (GEPP) comporte un volet dédié à l’IA. Une cartographie des métiers exposés à l’automatisation y est dressée : hôte de caisse, approvisionneur ou responsable d’inventaire figurent parmi les fonctions identifiées comme sensibles.

L’Association internationale pour la formation (AIPF) prévoit, dans son accord du 15 avril 2025, la constitution d’un groupe de travail pluridisciplinaire sur l’intelligence artificielle. Objectif : définir une stratégie éthique et opérationnelle, en lien avec les ressources humaines, la pédagogie, la data et la marque. Le suivi des travaux s’effectuera via le CSE et la commission formation.

Chez Metlife Europe, les signataires s’engagent à ouvrir des négociations d’ici fin 2025 sur les parcours professionnels pour évaluer l’impact de l’IA sur les métiers de l’entreprise.

Garanties d’emploi

Metlife Europe se distingue en inscrivant dans son accord une clause de protection de l’emploi : aucun licenciement économique ne pourra être motivé uniquement par l’introduction d’outils d’intelligence artificielle. L’entreprise exclut également le recours à l’IA pour certaines décisions RH, notamment en matière de rémunération ou d’évolution de carrière.

Formation

La montée en compétence numérique constitue un axe fort des accords. Chez BPCE, le Campus tech & digital structure l’offre autour de dix compétences stratégiques, dont l’IA et la data. Un socle commun de formation à l’IA générative sera proposé à tous les salariés, avec pour ambition de « développer une culture positive » autour de cette technologie. L’accord insiste sur la nécessité de conserver une analyse critique des résultats produits par l’IA.

AXA France, dans son accord du 13 juin 2025, prévoit des actions de sensibilisation ciblées, notamment à destination des représentants du personnel. L’assureur souhaite favoriser une compréhension partagée des enjeux liés à l’IA et à la data, et propose une synthèse des évolutions des métiers et des compétences induites par ces technologies.

Lutte contre la fracture numérique

Précurseur, Orange avait signé dès 2016 un accord avec trois organisations syndicales (CFDT-F3C, CGT-FAPT et FO-COM) pour prévenir notamment la fracture numérique. L’entreprise s’était engagée à accompagner chaque salarié dans sa montée en compétences, via des outils d’auto-diagnostic et un accompagnement personnalisé.

Schneider Electric France inscrit sa stratégie de formation dans une logique inclusive. Son accord repose sur quatre piliers : inclusion numérique, digital pour tous, développement de l’expertise et reconversion vers les métiers du digital. Les formations sont accessibles via la plateforme MyLearningLink.

Dialogue social

L’intelligence artificielle devient un sujet de concertation à part entière. Chez BPCE, chaque entité s’engage à organiser des séances d’information et de consultation du CSE sur les usages et les projets liés à l’IA.

Metlife Europe instaure une commission IA au sein de son CSE, composée à parité de représentants de la direction et du personnel. Elle se réunira tous les deux mois pendant six mois, puis tous les quatre mois.

AXA France expérimente un « comité de suivi IA » au sein de son CSEC. Présidé par l’employeur, il réunit deux membres par organisation syndicale représentée et assure le suivi des initiatives IA, notamment lors du point annuel sur les orientations stratégiques.

Chez Prisma Media, une commission facultative dédiée à l’IA examine les effets du déploiement sur la production éditoriale et les outils internes. Composée de quatre élus du CSE et de trois représentants de la direction, elle évalue également les conséquences sur les conditions de travail, la santé, la sécurité et l’emploi.

Droit à la déconnexion

Dans son accord, Orange introduit un droit à la déconnexion, applicable en réunion et en dehors des horaires de travail. Un bilan des pratiques numériques, individuel et collectif, est proposé sur la base du volontariat afin d’identifier les usages excessifs, notamment en soirée et le week-end.

Durée des accords

L’accord de Prisma Media, signé le 27 février 2025, court jusqu’au 31 décembre 2025 ou pendant la durée de l’information/consultation sur le projet de déploiement de l’IA générative. « Il pourra être révisé ou dénoncé selon les modalités du code du travail », précise le texte.

L’accord de BPCE, signé le 17 juillet 2025, est conclu pour trois ans. Un bilan sera réalisé six mois avant son échéance. Celui d’Axa France, effectif depuis le 1er juillet, s’étend jusqu’au 31 décembre 2026. Les signataires étudieront les conditions d’un éventuel renouvellement.

 

« Il faut sortir d’une approche statique du dialogue social sur l’IA »

L’Institut de recherches économiques et sociales, l’Ires, publie une étude portant sur les accords de dialogue social autour de l’intelligence artificielle. Dans ce document de 29 pages qui revient sur l’approche syndicale du projet Dial-IA, Marie-Odile Chagny et Claire Marzo soulignent les lacunes du dialogue social autour de l’IA en France. Pour les chercheuses, « la grande majorité des accords ne prennent pas assez en compte les transformations engendrées par l’IA, son impact sur les conditions de travail et sur l’organisation du travail ». 

L’étude souligne la difficulté des négociateurs à prendre en compte le caractère imprévisible de l’IA : « L’incertitude liée à la dimension itérative, adaptative, et opaque de certains systèmes d’IA est encore largement sous-estimée. Il en ressort une difficulté à mettre en œuvre un dialogue social adapté à ces enjeux, permettant des boucles de rétroaction, de prendre en compte les enseignements des expérimentations. Très rares sont encore les accords qui intègrent cette dimension de « dialogue social itératif » ».

Pour négocier des accords plus complets, plaident les chercheuses, il faut sortir « d’une approche statique du dialogue social pour lui donner la possibilité d’agir avant, pendant et après l’introduction de l’IA dans l’entreprise ». Un souhait qui rejoint les récentes recommandations d’un rapport parlementaire au sujet de la consultation du CSE

 

Visuel réduit: 
Visibilite: 
privé
Signature: 
Anne Bariet avec Bernard Domergue
Supports de diffusion: 
Prisma Media, Metlife Europe, AXA France, Decathlon, BPCE, Orange, Schneider Electric France… Plusieurs grandes entreprises françaises amorcent une régulation interne de l’intelligence artificielle à travers des accords collectifs. Garanties d’emploi, formation, dialogue social : tour d’horizon des premières dispositions adoptées.
Cacher le visuel principal ?: 
Non
Type de produit: 
Produit d'origine: 
Auteur extérieur: 
Thème d'origine: 
Application immédiate: 
Clone parent: 
903 881



Source de l’actualité