La démission donnée en raison d’une surcharge de travail est équivoque


A la une

Lorsqu’un salarié notifie à l’employeur une démission sans réserve, qui prend donc l’apparence d’une démission pure et simple, puis saisit la juridiction prud’homale d’une demande de requalification de la rupture du contrat de travail, le juge peut, sous certaines conditions, considérer que cette démission est équivoque. Cette dernière doit, dans ce cas, être requalifiée en prise d’acte de la rupture du contrat de travail et en produire les effets (arrêts du 9 mai 2007 n° 05-40.518, 05-41.324, 05-40.315 et 05-42.301 ; arrêt du 24 octobre 2012).

Pour qu’une démission soit considérée comme équivoque, le salarié doit apporter la preuve qu’un différend antérieur ou contemporain à la rupture l’opposait à son employeur (arrêt du 19 décembre 2007) et respecter un délai raisonnable entre la notification de la démission et sa contestation ultérieure (arrêt du 20 novembre 2019).

Un différend sur la charge de travail rend la démission équivoque

En l’espèce, un salarié travaillait depuis plus de 20 ans en tant qu’administrateur réseau. Son contrat de travail prévoyait que la rémunération convenue tenait compte de la nature des fonctions et des responsabilités qui lui étaient confiées et resterait indépendante du temps consacré de fait à l’exercice des fonctions. Il a démissionné puis saisi la juridiction prud’homale six mois plus tard afin que sa démission soit requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La cour d’appel a jugé que sa démission était claire et non équivoque au motif que la surcharge de travail invoquée, qui existait depuis de nombreuses années, ne constituait pas une circonstance contemporaine et déterminante de la démission rendant impossible la poursuite du contrat de travail.

Dans un arrêt du 13 novembre 2025, la Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel en s’appuyant sur les constats opérés par les juges du fond et dont ils auraient dû déduire l’existence d’un différend rendant la démission équivoque.

En effet, le salarié avait, préalablement à sa démission, alerté sa hiérarchie par courriel d’une charge de travail devenue insupportable, sollicité une visite du médecin du travail en signalant un contexte de surcharge de travail, et enfin exposé, lors de son entretien individuel d’évaluation, que l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle n’existait pas et que son périmètre d’intervention sur différents fuseaux horaires était trop vaste, ce qui entraînait une charge mentale très élevée et permanente.

La démission est requalifiée en prise d’acte de la rupture

La Cour de cassation exerce un contrôle renforcé de la qualification de la démission, mais laisse aux juges du fond le soin d’apprécier souverainement si la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, ou, dans le cas contraire, d’une démission (arrêt du 9 mai 2007).

Dans le cas d’espèce, c’est donc à la cour d’appel de renvoi qu’il reviendra d’apprécier si les manquements de l’employeur étaient suffisamment graves pour que la rupture produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

► Plusieurs cours d’appel ont déjà requalifié des démissions équivoques en prise d’acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison d’une surcharge de travail. Ainsi d’une salariée dont la charge de travail a été sous-évaluée et qui de ce fait a demandé à quitter son poste (cour d’appel de Paris, 8 avril 2008 n° 06-11078), d’un directeur des ventes régionales qui a effectué de nombreuses heures supplémentaires et fait part à ses responsables, peu après sa démission, d’une surcharge de travail l’ayant conduit à un épuisement moral important (cour d’appel de Paris, 16 mai 2024 n° 21/06121), ou encore d’une consultante fonctionnelle qui a indiqué à son supérieur hiérarchique que ses arrêts de travail s’expliquaient par un épuisement professionnel et dont l’employeur avait commis des manquements à son obligation de sécurité en s’abstenant d’organiser les entretiens de suivi du forfait en jours, peu important qu’elle ait recherché un nouvel emploi avant de démissionner et en ait trouvé un peu après sa démission (cour d’appel de Versailles, 22 juin 2022 n° 19/04880).

Visuel réduit: 
Visibilite: 
privé
Signature: 
Clément Geiger
Supports de diffusion: 
Lorsqu’un salarié donne sa démission après avoir alerté d’une surcharge de travail, il peut faire reconnaître son caractère équivoque et obtenir sa requalification en prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur, comme l’illustre un récent arrêt rendu par la Cour de cassation.
Cacher le visuel principal ?: 
Non
Type de produit: 
Produit d'origine: 
Auteur extérieur: 
Thème d'origine: 
Application immédiate: 
Clone parent: 
915 565



Source de l’actualité