Toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent (article L 3121-28 du code du travail).
A noter : Les heures supplémentaires se décomptent par semaine (article L 3121-29 du code du travail).
La durée du travail à prendre en compte pour le calcul des heures supplémentaires s’entend, en application de ce texte, des heures de travail effectif et des temps assimilés à celui-ci pour le calcul de la durée du travail.
Ainsi, la Cour de cassation a pu juger que les jours de congé payé, en l’absence de dispositions légales ou conventionnelles, ne peuvent pas être assimilés à du temps de travail effectif pour la détermination des heures supplémentaires (Cass. soc. 1-12-2004 n° 02-21.304 F-PB ; Cass. soc. 4-4-2012 n° 10-10.701 FS-PB ; Cass. soc. 25-1-2017 n° 15-20.692 F-D).
A noter : À l’inverse, les périodes de congé payé sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé payé (article L 3141-5, 1° du code du travail).
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), dans un arrêt du 13 janvier 2022, a jugé que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, lu à la lumière de l’article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition d’une convention collective en vertu de laquelle, afin de déterminer si le seuil des heures travaillées donnant droit à majoration pour heures supplémentaires est atteint, les heures correspondant à la période de congé annuel payé pris par le travailleur ne sont pas prises en compte en tant qu’heures de travail accomplies (CJUE 13-1-2022 aff. 514/20).
Dans les motifs de son arrêt, la Cour de justice précise dans les points 31 à 34 :
- que le travailleur doit normalement pouvoir bénéficier d’un repos effectif dans un souci de protection efficace de sa sécurité et de sa santé (voir, en ce sens, CJUE 20-1-2009, aff. 350/06 et 520/06, point 23) ;
- qu’il s’ensuit que les incitations à renoncer au congé ou à faire en sorte que les travailleurs y renoncent sont incompatibles avec les objectifs du droit au congé annuel payé. Ainsi, toute pratique ou omission d’un employeur ayant un effet potentiellement dissuasif sur la prise du congé annuel par un travailleur est incompatible avec la finalité du droit au congé annuel payé (CJUE 6-11-2018 aff. 619/16, point 49) ;
- que c’est la raison pour laquelle il a été jugé que l’obtention de la rémunération ordinaire durant la période de congé annuel payé vise à permettre au travailleur de prendre effectivement les jours de congé auxquels il a droit. Or, lorsque la rémunération versée au titre du droit au congé annuel payé prévu à l’article 7, &1, de la directive 2003/88 est inférieure à la rémunération ordinaire que le travailleur reçoit pendant les périodes de travail effectif, celui-ci risque d’être incité à ne pas prendre son congé annuel payé, du moins pendant les périodes de travail effectif, dans la mesure où cela conduirait, pendant ces périodes, à une diminution de sa rémunération (CJUE 13-12-2018 aff. 385/17, point 44) ;
- qu’un travailleur pouvait être dissuadé d’exercer son droit au congé annuel compte tenu d’un désavantage financier, même si celui-ci intervient de façon différée, à savoir au cours de la période suivant celle du congé annuel (voir, en ce sens, CJUE 22-5-2014 aff. 539/12, point 21).
Dans l’arrêt du 10 septembre 2025, plusieurs salariés travaillaient 38 heures 30 par semaine selon une convention de forfait prévue par la convention collective nationale Syntec (modalité 2).
Se prévalant de l’inopposabilité de leur convention, ils ont saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes parmi lesquelles le paiement de diverses sommes au titre des heures supplémentaires et des indemnités de congés payés. Les salariés demandaient notamment le paiement d’heures supplémentaires pour les semaines où ils avaient été en congé payé.
► En l’espèce, le litige concernait la validité des conventions de forfait « modalité 2 » prévues par la CCN Syntec, qui fait déjà l’objet d’un important contentieux (voir notamment Cass. soc. 13-4-2023 n° 21-21.805 F-D).
La cour d’appel les a déboutés de leur demande. Après avoir pourtant affirmé que les jours de congé payé devaient être inclus dans le calcul du seuil de déclenchement des heures supplémentaires, la cour d’appel a, pour autant, retenu le contre-chiffrage proposé par l’employeur pour le calcul des heures supplémentaires qui prenait en compte les absences du salarié pendant ses jours de congé payé pour minorer le nombre d’heures supplémentaires.
La Cour de cassation casse la décision des juges du fond pour violation de la loi. Pour elle, un salarié, dont la durée du travail est décomptée dans un cadre hebdomadaire et ayant pris des jours de congé payé au titre d’une semaine donnée, peut prétendre au paiement des majorations pour heures supplémentaires qu’il aurait perçues s’il avait travaillé durant toute cette semaine. Ce faisant, la chambre sociale de la Cour de cassation décide d’écarter les dispositions de l’article L 3121-28 du code du travail qui ne prennent en compte que les heures de travail effectif dans le calcul du seuil de déclenchement des heures supplémentaires.
A noter : En cas de contrariété entre une règle de droit social de l’Union européenne et de droit interne, la CJUE prescrit la méthode à suivre. Par deux arrêts du 6 novembre 2018, la CJUE a retenu, en substance, que l’article 31, § 2, de la Charte était d’effet direct et que le juge national doit, lorsqu’il se trouve dans l’impossibilité d’assurer une interprétation conforme du droit interne, laisser ces dispositions inappliquées afin d’assurer la protection juridique découlant de l’article 31, § 2, et de garantir son plein effet (CJUE 6-11-2018 aff. 569/16 et 570/16). En l’espèce, la chambre sociale ne pouvait pas procéder à une interprétation conforme de l’article L 3121-28 du code du travail puisque celle-ci était contra legem. C’est pour cette raison qu’elle a partiellement écarté les dispositions de cet article. Notons que l’avocat général préconisait plutôt une interprétation conforme des articles L 3141-22 et L 3141-24 du code du travail relatifs à l’indemnisation des congés payés. C’est la seconde fois, à notre connaissance, que la chambre sociale de la Cour de cassation met en œuvre ce mécanisme d’éviction d’une partie d’une disposition légale. Elle l’avait fait précédemment concernant l’ouverture du droit à congés payés en cas d’arrêt de travail pour maladie ou accident (Cass. soc. 13-9-2023 n° 22-17.340 et n° 22-17.638).
La Cour de cassation opère par cette décision un revirement de jurisprudence. Elle s’aligne, au moins en l’espèce, sur la position de la CJUE et met, par la même occasion, le droit français en conformité avec le droit européen.
Ainsi, il convient de tenir compte des jours de congé payé pour déterminer si le salarié a, ou non, accompli des heures supplémentaires. Ces derniers ne sont donc plus « neutralisés ». Autrement dit, un salarié, soumis à un décompte hebdomadaire de sa durée de travail, peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires sur la semaine au cours de laquelle il a posé un jour de congé payé et n’a donc pas réalisé 35 heures de travail « effectif » .
Exemple : Un salarié soumis à la durée légale du travail, soit 7 heures par jour et 35 heures par semaine, qui travaillera 32 heures entre le lundi et le jeudi et qui sera en congé payé le vendredi aura donc travaillé 39 heures au titre de cette semaine. Il bénéficiera du paiement de 4 heures supplémentaires. Avant la publication de l’arrêt du 10 septembre, le salarié n’aurait pas pu prétendre au paiement d’heures supplémentaires dans ce cas, dans la mesure où, les heures supplémentaires accomplies au cours des quatre premiers jours de la semaine auraient été neutralisées par son jour de congé pris le vendredi. En d’autres termes, toutes les heures de travail auraient été payées au taux normal sans majoration.
Dans sa notice au rapport annuel, la chambre sociale de la Cour de cassation précise que « la solution dégagée reste circonscrite au décompte hebdomadaire de la durée du travail qui était appliqué dans l’espèce soumise à la Cour de cassation et ne préjuge pas de la solution quant aux autres modes de décompte de la durée du travail, puisque la solution énoncée par la CJUE repose sur l’effet potentiellement dissuasif du système de détermination des heures supplémentaires applicable en droit interne sur la prise du congé payé par le salarié ».
Il ressort clairement de l’arrêt et de la notice au rapport annuel que la décision s’applique aux jours de congé payé légaux. On peut toutefois se demander si les 5 semaines légales de congés payés sont concernées.
A noter : L’article 7, & 1, de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 dispose que les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines. En raison de la présence de l’adverbe « au moins », la solution devrait donc concerner les 5 semaines de congés payés légaux et non pas seulement les 4 premières.
Quelles conséquences pour les entreprises ?
Tout d’abord, la solution s’applique dès maintenant aux litiges en cours. La chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que la sécurité juridique ne pouvait pas faire obstacle à l’application d’une nouvelle jurisprudence (Cass. soc. 18-5-2011 n° 09-72.959 F-D ; Cass. soc. 10-4-2013 n° 12-16.225 F-D).
Si cette décision doit être prise en compte pour l’établissement des fiches de paie en cours et à venir, ce qui devrait entraîner des modifications de paramétrages des logiciels de paie, qu’en est-il pour le passé ? Les entreprises doivent se poser la question d’une éventuelle régularisation avec leurs conseils, qui aboutirait à l’octroi de rappels de salaire dans le cadre de la prescription triennale qui y est attachée. Des précisions du ministère du travail et une modification législative seraient les bienvenues pour la mise en œuvre pratique de cette décision.
