Des taux d’insuffisance de 75 à 80 % en matière d’archivage. La synthèse du programme de contrôle 2024 de la Haute autorité de l’audit (H2A), publié le 22 septembre, dresse un constat très négatif et alarmiste concernant les procédures d’archivage de certains cabinets d’audit, qu’ils détiennent ou non des mandats d’entités d’intérêt public (EIP) (*).
Pour rappel, les commissaires aux comptes (Cac) doivent clôturer leur dossier d’audit au plus tard 60 jours après la signature de leur rapport de certification des comptes (article D. 821-186 du code de commerce). De plus, ils doivent rendre leur dossier d’audit intangible, c’est-à-dire qu’au-delà de la date de signature de leur rapport de certification, les Cac ne peuvent apporter aucune modification de fond aux éléments de documentation. Ils ne peuvent y apporter « que des modifications de forme ou revoir leur classement dans un délai de quatre-vingt-dix jours après la réunion de l’organe appelé à statuer sur les comptes » (NEP 230 § 9).
Or, les pratiques des cabinets contrôlés sur ce thème se révèlent largement insuffisantes voire non conformes à la règlementation en vigueur, selon le rapport de la H2A. Du côté des cabinets EIP, sur les 44 unités de contrôle passées au crible du programme 2024, 35 présentent des insuffisances (« processus globalement conforme mais présentant des zones de risques résiduelles ou des inexécutions localisées ») ou des carences (« non conformité du processus analysé au regard des objectifs poursuivis »).
Les manquements les plus fréquemment constatés sont la « conservation de la documentation des travaux en dehors du dossier d’audit, sur des supports ne faisant pas l’objet d’une procédure d’archivage du cabinet (serveur, outil, plateforme électronique, dossier physique, etc.) », l’absence de verrouillage technique des dossiers électroniques lors de l’archivage en dépit des fonctionnalités existantes dans les outils », ou encore l’absence de respect du délai d’archivage de 60 jours, voire même l’absence totale de dossier et/ou d’archivage.
La Haute autorité donne un exemple : « les dossiers du cabinet sont tenus à l’aide d’un logiciel d’audit dont la fonctionnalité « verrouillage » n’a pas été mise en oeuvre, et lors du contrôle, certains fichiers clés et documents de travail consultés dans le cadre de la revue des cycles examinés présentaient des dates de modification postérieures à la date de mise au contrôle de l’UDC [unité de contrôle] « .
Du côté des cabinets non EIP, seuls 25 % des cabinets contrôlés disposent de procédures permettant de garantir le respect du délai réglementaire d’archivage et l’intangibilité des différentes composantes du dossier d’audit, que ce soit pour les dossiers électroniques ou les dossiers papier. Le rapport relève ainsi que les cabinets d’audit non EIP utilisent très peu les fonctionnalités d’archivage offertes par les éditeurs de logiciels d’audit. « Les contrôleurs ont le plus souvent constaté que les fonctionnalités d’archivage paramétrées dans les outils d’audit ne sont pas activées par les cabinets ».
Des manquements qui impactent la qualité de l’audit. « L’archivage effectif du dossier d’audit et la procédure de garantie de son intégrité sont seuls à même de permettre au commissaire aux comptes de justifier de ses conclusions et de faire comprendre tant la démarche d’audit suivie que l’opinion d’audit qu’il a émise », insiste la H2A.
Ces constats ne sont pas nouveaux. Ces manquements en matière d’archivage « demeurent depuis plusieurs millésimes », souligne le rapport. Concernant les cabinets EIP, « lorsque des recommandations avaient été formulées sur ce thème », seuls 3 cabinets ont apporté des actions correctives effectives, « les autres connaissant des insuffisances persistantes de conception ou une procédure conçue toujours pas effective », relève le rapport.
La synthèse 2024 insiste sur la nécessité pour les Cac de faire des efforts. « Les pratiques des professionnels doivent faire l’objet d’évolutions notables en vue de se conformer à la réglementation applicable ». Car les professionnels s’exposent à des risques tels que la mise en cause de leur responsabilité civile, ou encore des sanctions disciplinaires.
(*) Au total, en 2024, la H2A a réalisé 53 contrôles de cabinets détenant au moins un mandat d’entité d’intérêt public (EIP) (regroupant 181 structures d’exercice professionnel et 1167 personnes physiques signataires au nom de ces cabinets) et 700 contrôles de cabinets ne détenant pas de mandat EIP (642 présentés dans ce rapport, regroupant 871 structures d’exercice professionnel et 969 personnes physiques signataires au nom de ces cabinets).
L’archivage est l’un des thèmes de procédures couverts au cours du programme 2024. 44 cabinets EIP ont fait l’objet d’une revue de ce thème (soit 90% de ceux concernés par une thématique de revue de procédures). 136 cabinets non EIP ont été contrôlés.
